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Comme vous, je ne saurai me taire face aux frissons et aux sentiments que j’ai en lisant votre œuvre : Une si longue parole, une parole pleine d’enseignements et qui se destine à faire renaitre l’Afrique toute entière. Une parole passionnante, émouvante et facile à lire en seulement 83 pages.
Cette parole est celle d’une femme, un être considéré à tort comme faible et sous l’emprise de la soumission à la volonté de l’homme. Fatimata, personnage principal, est l’incarnation d’un autre modèle de femme. Il s’agit d’une femme éprise de justice, de bravoure, de confiance en soi, de courage, etc. Il s’agit pour l’auteur de créer la rupture d’avec la représentation faite de la femme dans Une si longue lettre de Mariama Ba là où elle n’a fait que subir la polygamie et sa condition féminine.
Dans Une si longue parole, Fatimata raconte son histoire, de son enfance à sa réussite professionnelle, en passant par ses années d’études, sa vie amoureuse et de couple, son divorce d’avec son époux.
Fatimata, née d’une famille modeste et contrairement aux filles de son village, réussit à faire des études élémentaires jusqu’à l’université. Malgré ses difficultés, elle ne baisse jamais les bras. L’auteur traduit tout le contraire de la réalité qu’on a vécue dans nos sociétés africaines et où la scolarisation des filles n’était que perte de temps. Il décrit l’intelligence et la persévérance d’une jeune fille qui ne cède pas devant les obstacles liés à sa vie quotidienne et familiale. La femme peut aussi réussir, atteindre le sommet et réaliser ses rêves.
L’auteur, dans cette parole de Fatimata, exprime tout son désir de voir l’histoire africaine enseignée aux élèves et aux étudiants car ce n’est que par ce moyen que les jeunes auront confiance en eux et connaitront mieux leur société. Il refuse qu’on enseigne exclusivement l’histoire occidentale, qui n’est qu’aliénation à outrance, histoire qui nous a d’ailleurs réduits au néant. La référence aux héroïnes du Sénégal, et autres de l’Afrique, les références aux enseignements de Thierno Sileymani BAAL expriment toute la richesse des valeurs africaines. Notre propre histoire, les enseignements de nos héros suffisent à nous permettre de bâtir une société sur le droit chemin, une société éprise de valeurs.
La lutte contre l’émigration clandestine n’est pas oubliée dans cette parole portée par Fatimata. L’auteur rappelle les méfaits de ce phénomène qui gangrène la société africaine et qui vole et tue ses jeunes, espoirs de son développement. En le lisant, on comprend à travers le vécu et les choix opérés par Racine, père de Fatimata, qu’il est bien possible de réussir sa vie par soi-même et avec ce que l’on possède et ce que la nature nous offre.
L’aspect le plus émouvant et qui stimulait davantage mon envie de lire cette parole est le combat de Fatimata, en tant qu’avocate, pour la justice, une justice pour tous, une justice équitable. Fatimata porte en elle le combat pour la bonne gouvernance, contre l’accaparement, le népotisme, le détournement de deniers publics. Sa parole reflète également les incidences négatives de ces phénomènes sur le vécu quotidien des citoyens. Elle l’exprime par la mort tragique de sa bien-aimée sœur Gandale, qui n’est qu’un espoir perdu. Nous apprenons en filigrane l’histoire politique du Sénégal, surtout celle vécue de 2000 à nos jours. L’auteur décrit la trahison opérée par les politiques, leur ruse, le départ qui existe entre la promesse politique et l’action politique dans nos pays. L’opulence de Wojeeré et de Bii Lambo en ont été les illustrations les plus parfaites.
Permettez-moi de vous appeler Professeur Amadou Elimane KANE pour avoir appris de vous ce qu’est le Panafricanisme. Vous êtes un panafricaniste et un afro-optimiste. Ce panafricanisme et cet afro-optimisme, vous les exprimez sans limite et sans réticence dans la parole de Fatimata. Cette parole est bien la vôtre, Fatimata ne fait que la porter. Vous luttez contre l’injustice, contre la mauvaise gouvernance. Vous enseignez que l’Afrique peut bien renaître si nous nous approprions de notre propre histoire, si nous changeons nos comportements. Vous lancez à travers Une si longue parole un appel à la jeunesse africaine pour qu’elle cherche le savoir, la connaissance, car rien ne vient du hasard. Votre parole est éprise de vérité et d’espoir pour nous jeunes d’Afrique, nous qui avons tant subi le néo- colonialisme.
En vous lisant j’ai eu des frissons, en vous lisant je m’y retrouvai, j’ai beaucoup appris de cette parole sur l’histoire africaine, sur le mal que nous vivons. En revanche, un espoir est né en moi, une nouvelle vision de notre continent. L’Afrique de demain est l’Afrique du bonheur. Mais pour y arriver, et vous le dites bien, il faut un changement des Hommes, un nouveau type d’Africain, et c’est ce que Fatimata incarne. Le choix porté sur la femme exprime la place prépondérante des dames dans ce combat, comme elles l’ont toujours fait par le passé.
Mes mots de conclusion sont ceux-ci : Une si longue parole est porteuse d’un espoir immense pour le continent africain, il s’agit d’un plaidoyer vigoureux pour une nouvelle Afrique, terre de tous les ancêtres. Votre parole reflète une nouvelle vision de l’Afrique, d’une Afrique unie et purgée des maux qui l’asphyxie, la dépérisse, la lamine à outrance.
La justice prônée par Fatimata et pour laquelle elle se bat au point de renoncer à son propre mariage qui lui est pourtant si cher, est une justice basée sur l’équité et non une justice sélective. Nous devons avoir un Droit au service du peuple, un Droit épris de l’idéal de justice. Notre Droit doit épouser nos valeurs africaines de justice, d’équité, de respect de la parole donnée, etc., car ce sont dans les entrailles de la société que le Droit s’élabore disait Emile Durkheim. Nous voyons à travers votre longue parole, une Afrique ressuscitée, une Afrique qui renaît, une Afrique debout pour porter la charge de son propre destin, une Afrique unie. Vous le dites bien en ces mots : « Si je me tiens aujourd’hui devant vous, c’est pour défendre l’équilibre de la justice, toutes les justices, pour réinstaller le savoir au cœur de nos terres façonnées par notre histoire, l’histoire, pour dire toute la dignité des hommes, des femmes, enfants, pour combattre vos silences meurtris, vos douleurs infinies qui se répètent, pour installer durablement le droit humain, tous les droits fondamentaux et humains. Si je me tiens aujourd’hui devant vous, c’est pour faire gonfler les voiles de renaissance, faire chanter mes colliers de l’unité humaine. »
Voilà que, in fine, je voudrais dire que je m’engage sans réticence à arpenter « le chemin d’un aller sans retour », un chemin vers le combat pour la renaissance africaine, un chemin vers le combat pour l’unité africaine.
Merci Professeur !
Lamine BADJI Doctorant en droit privé, Assistant chargé de travaux dirigés,
Département de Droit des Affaires-Université Assane Seck de Ziguinchor (Sénégal)
Une si longue parole, roman, Amadou Elimane Kane, éditions Lettres de Renaissances, Paris, 2015
J’ai eu le très grand plaisir et la plus grande joie de lire le roman d’Amadou Elimane KANE intitulé « Une si longue parole ».
Je ne peux taire ce témoignage sur cet auteur qui est une figure emblématique. Cet homme, dont la générosité et la modestie sont grandes, est source de notre engagement dans le combat pour la renaissance du panafricanisme. Il n’a cessé de nous dire : « appropriez-vous de connaissance, du savoir car ils n’appartiennent à personne ». Incarnant beaucoup de valeurs, il doit être aujourd’hui une référence pour la jeunesse africaine.
Son œuvre, pleine d’enseignements, renseigne sur l’identité africaine, sur les valeurs africaines, sur l’appropriation de cette identité et de ces valeurs par les africains et particulièrement par la jeunesse africaine. Il partage dans ce roman une nouvelle vision de l’Afrique basée sur des principes et les valeurs des ancêtres.
« Une si longue parole » est l’histoire d’une femme africaine qui se nomme Fatimata, qui a décidé de prendre la parole pour nous raconter sa vie. Cette femme est élevée avec des valeurs africaines traditionnelles, telles que le travail, la persévérance, la solidarité et la justice. Marquée par son parcours scolaire, elle se forge une combativité à toute épreuve. Elle décide de copier le modèle de ces femmes africaines historiquement braves, incarnant le courage, la dignité et l’intégrité de la femme africaine, à l’image des femmes de Nder, de la reine Zingha, de la reine Pokou ou de Ndaté Yalla, reine savante du Walo, ou encore de la princesse Yennega du Burkina etc.
Fatimata est le témoin d’une mascarade au sein d’un système gouvernemental, où le mensonge, la corruption, le népotisme, l’impunité, le détournement du patrimoine collectif sont de mise. Jeune avocate, trahie par son mari en qui elle a cru, fidèle aux valeurs et principes traditionnels africains, elle refuse de prendre la défense de ce dernier en brandissant l’argument de la justice et de la rectitude. Elle le considère coupable au même titre que tous ces hommes à la tête de l’État, de la misère au sein e la population, coupables de nombreux décès pour faute de soins suffisants dans les hôpitaux. Ces dirigeants qui s’accaparent, sans vergogne, des richesses de l’État pour se servir et non servir. Se laissant emporté et dominé par le pouvoir et l’argent, son mari la plonge dans une déception inconsolable. Et comme le juge Kéba MBAYE l’enseigne au cours de sa leçon inaugurale à l’UCAD « le pouvoir est fait pour servir, il est passager, l’argent sert à satisfaire nos besoin, au-delà, il est inutile », ces hommes d’État n’ont rien appris de ces mots et restent hostiles à l’éthique et à la bonne gouvernance.
« Une si longue parole », contrairement à « Une si longue lettre » de Mariama BA, met la femme devant ses responsabilités et son devoir d’assumer son rôle dans la transmission des valeurs. Elle place la femme comme actrice dans la voie de l’émergence, et non la femme qui se dévoue à la soumission et à l’acceptation du fatalisme.
Somme toute, dans cette longue parole, l’auteur Amadou Elimane KANE, à travers le personnage de Fatimata, prône la reconstruction du continent africain en invitant les jeunes africains à s’approprier du patrimoine ancestral. Il les invite à l’appropriation de la connaissance, du savoir et à rompre avec le silence complice face à des actes contraires aux principes ancestraux et à la démocratie, à être dans la créativité et dans l’excellence, à construire leur propre destin et en refusant la dépendance sous toutes ses formes.
Au plan juridique, l’auteur propose une refonte de notre système de justice qui est entièrement copié sur les Occidentaux. En effet, loin d’être autonomes, nos systèmes judiciaires sont le résultat d’un mimétisme ignorant de facto nos réalités politiques, socio-économiques et environnementales. Il s’agira donc, de reconstruire notre propre système social, politique et culturel sur la base du legs de nos ancêtres. À titre illustratif, il y a la Charte du Mandé, la Charte de KURUKAN FUGA ou encore l’Almaamiyat qui est un texte adopté à l’occasion de la révolution Torodo à l’initiative de Ceerno Sileymaani Baal, tel que nous l’apprend l’auteur. Ces textes, bien qu’étant historiquement établis, conservent toujours une certaine modernité et énoncent des principes fondamentaux dans le maintien de l’équilibre social. Ils ont été adoptés sur la base d’un idéal de justice, d’équité, de solidarité, d’harmonie, de fraternité et surtout dans un souci d’établir un ordre social apaisé et d’assurer une bonne gouvernance.
Un droit typiquement africain, tenant compte des réalités traditionnelles, socio-culturelles mais aussi des évolutions actuelles serait la bienvenue pour l’émergence de notre belle Afrique.
Une si longue parole, roman, Amadou Elimane Kane, éditions Lettres de Renaissances, Paris, 2015
Waodia Niassy, Etudiant en Master II en Droit des Affaires à l'Université Assane Seck de Ziguinchor
Quel étrange et anecdotique titre me suis-je dis en ouvrant la première page de votre livre ?
J’ai commencé la lecture de votre roman avec cette interrogation, puis curieusement je l’ai terminé avec une autre interrogation. Car Les Soleils de nos Libertés m’a mis face à ma réalité : celle d’un étudiant ambitieux à l’image de Moussa (un de vos personnages), vivant dans un pays où foisonnent des Samba Diallo, mais éduqués avec les principes de Boubacar et partageant le même projet qu’Abdoul pour l’Afrique. Si je me retrouve dans la peau de vos personnages, ce n’est pas par hasard. Et d’autres vous le rediront certainement.
C’est parce que vous avez voulu allier deux choses : la réalité et le rêve. Quand on sait qu’elles entretiennent des rapports conflictuels. Votre démarche en ce sens est singulière et osée. Oui parce qu’elle exige un dernier souffle dans l’écriture, celui de l’espoir !
Quand la plupart des auteurs africains font de l’Occident un ennemi dans leur livres (qu’ils décrivent souvent avec des propos acerbes), vous en faites un ami tout en restant dans le registre de la sincérité (je pense notamment aux conseils de Boubacar à son fils qui s’apprête à entrer à Sciences Po Paris, je pense à Dieynaba dépaysée, seule face à la nature élitiste et capitaliste de la société française semblable à un « jazz qui sanglote » comme disait le poète président). Quand la plupart des auteurs africains se mettent dans une logique qui consiste à parler de la réalité (la plupart la rendent poignante pour en rire à l’image de Alain Mabanckou ou de Fatou Diome ou encore de Ken Bugul), vous, vous nous parlez d’une Afrique avec ses défauts, ses imperfections, ses insuffisances, ses abcès, ses gangrènes et notamment ses hommes politiques corrompus, ses régimes politiques chancelants. Et loin de s’en limiter à cela (comme le font la plupart des écrivains), vous décrivez un idéal avec en amont un projet politique : l’émergence d’un seul État africain, respectueux de tous ces peuples, ouvert à tous les peuples et profondément attaché aux valeurs africaines. Quand la plupart font peser la responsabilité de la situation de l’Afrique aux dirigeants (je précise bien mon propos dirigeants et non leaders parce qu’à mon sens on n’en a plus) et à une jeunesse perdue, vous, vous préférez décrire, par l’intermédiaire d’une famille divisée, morcelée, séparée, l’image de l’Afrique.
Finalement, en fermant ce livre, tout lecteur conscient se pose la même question que je me suis posé à l’entame de mes propos : suis-je sur la route des Soleils de nos libertés ? À la fin, chacun se dira que réaliser cet idéal n’est pas une tâche impossible, il suffit de : « rester chez soi pour construire une vie digne et prospère », comme vous le précisez. Ainsi, par le jeu de cette psychologie inversée, tout lecteur devient acteur et endosse la lourde responsabilité de conquérir la liberté, sa liberté !
Ces mots résument toute votre vision des choses : nous devons accepter de CONSTRUIRE l’Afrique. Nous DEVONS la construire parce qu’elle est déconstruite. À l’image des paysans (que vous utilisez beaucoup dans le livre, notamment la famille de Bocar Sokhna et de Mariam Asta qui misent sur l’avenir de leur fils), nous devons accepter de semer les graines (à l’image d’Abdul et de Boubacar), les graines de la connaissance, les graines du partage, les graines de la solidarité et de l’altruisme, les graines de l’intégrité, les graines de la liberté, ces graines qui ont été oubliées depuis des années. Ces graines ce sont celles de la renaissance africaine.
Par ma voix, la jeunesse africaine vous dit qu’elle accepte de débroussailler les terres de l’incertitude et de l’ignorance, qu’elle va labourer les champs des connaissances, qu’elle va semer les graines des « soleils de nos libertés ». Oui parce qu’elle est consciente que :
« Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
Blanches et fanées
C’est l’Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L’amère saveur de la liberté. »
Merci Amadou Elimane Kane
Ousseynou MBENGUE, étudiant en sciences politiques
Les Soleils de nos liberté, Amadou Elimane Kane, éditions Lettres de Renaissances, 2014
Une si longue parole d’Amadou Elimane Kane est le genre de livre qui nous laisse assez peu volubile pour écrire dessus. Ce livre n'est pas un ouvrage que l'on lit juste pour consommer les mots, il construit peu à peu en nous comme une sorte de musique. Amadou Elimane Kane a écrit un texte sensible, humain, à la fois bouleversant et captivant.
Sensible et humain dans le sens où lire ce livre nous touche jusqu'au tréfonds de l’âme. Comme les livres qui relatent nos vécus traditionnels avec la misère et la souffrance qui les accompagnent, je pense à Une si longue lettre de Mariama Ba, Une si longue parole d’Amadou Elimane Kane retrace avec profondeur les blessures d'une femme qui a subi un mensonge moral de la part de son mari. Cette fois, ce n'est pas la polygamie qui touche la famille mais un problème insoluble à l’époque où nous sommes : je veux parler de la corruption, du détournement des deniers publics qui mettent en péril tout un peuple.
C’est l’histoire de la trahison de Bii lamdoo envers Fatimata, avocate de surcroit, imbue de valeurs et amoureuse de la justice, de l'équité. Le parcours de Fatimata, la mort de sa sœur Gaandal et la situation précaire de sa famille, la mère ne brille plus simplement épuisée par tant de choses endurées, sont autant de sentiments qui agitent la fibre humaine qui est en nous.
Ce roman nous parle dans le sens où notre âme se rebelle à prendre conscience de tels évènements, nous comprenons que nous ne devons pas nous contenter de dire que c'est la volonté divine. Il y a la main de l'homme partout où le malheur s'abat ; la mort de Gaanndal est d'abord liée à un manque de soins médicaux et parce qu'à côté des hommes s’accaparent de l'argent du « Contribuable », se souciant peu du malheur des autres.
Bouleversant, dans le sens où l'on attend un dénouement heureux pour cette famille qui n'a connu que des heures sombres, et un peuple qui n'a pas encore trouvé son salut.
Fatimata, femme battante, pleine d'énergie, est amoureuse de son terroir. Elle croit aux valeurs inculquées par ses parents qui font qu'elle n'abandonnera pas le long combat. Le chemin est périlleux mais les lumières jaillissent au bout de la route, justice, équité et un lendemain meilleur qui sortira du passé de nos valeurs ancestrales avec comme principes premiers : l'amour, le pardon, le partage, la générosité et surtout l'humilité !
Captivant oui, à travers, le personnage de Diafra. L'auteur montre qu'il ne faut jamais juger l'être humain à travers son port vestimentaire (« l'habit ne fait pas le moine" dit-on souvent). Diafra, le fou de yenn, n'est pourtant pas un fou (quelqu’un qui a perdu la raison). Au contraire, il a un impact positif sur Fatimata car il lui transmet des valeurs, ce qui permet sa survie. Contant son parcours à la jeune fille, il déclame sa passion qu'il n'oublie pas et dans ces passages, l'auteur nous montre qu’être passionné de quelque chose sans pouvoir partager est SANS intérêt !
De manière plus sage, l'homme du fleuve n'est rien d'autre qu'un homme libre, en parfaite harmonie avec la nature qui pour lui, est Refuge des cruautés de la vie, qui pour d'autres est simplement Folie ! Est-il seulement un homme incompris, qui a fini par prendre comme bonne compagnie la Solitude ?
En tout cas, il apprend à Fatimata une chose essentielle de la vie : la survie ! En d'autres termes, la mort de Gaandal doit rappeler à Fatimata qu'il est urgent de vivre ! Vivre afin de ne jamais mourir orphelin car une sagesse africaine dit que mourir sans rien laisser comme impact social et positif, c'est être orphelin.
De cette rencontre, elle apprend, à partir de son vécu et de sa curiosité prématurée de la vie, une autre façon de voir les choses et de prendre son destin en main. Elle ne reverra pas Diafra mais ne l'oubliera jamais.
Aux dernières pages, l'auteur revient avec brio sur des faits historiques et politiques que le peuple sénégalais a vécus. Amadou Elimane Kane, mêlant fiction et réalité tout comme prose et poésie s’entremêlent tout au long du roman, dessine de manière fictive une réalité que nous connaissons bien. À l'image de Wojeree et Bodiel, principaux acteurs d'un scénario montrant comment le peuple sénégalais a choisi l'épidémie qui va le décimer, une valse hésitation entre la peste et le cholera au soir des élections favorisant Bodiel.
Le seul salut du peuple est de dire à Wojeree : finalement, le pouvoir est une prérogative du peuple !
Bodiel, de son côté n'a fait qu'utiliser la technique du comment manipuler un manipulateur. Ayant été nourri à la sève politique de Wojeree et maitrisant toutes les stratégies de son "pair/ père ", il va finir par traquer son frère de "guerre d'enrichissement illicite" pour mieux berner le peuple, encore sous le coup de l'émotion de la victorieuse tournure des évènements.
Wojeree et son fils Bii laamdo, désormais, anges déchus ne semblent pas lâcher prise et leur dernier recours est de chercher à attirer Fatimata dans un dilemme destructif dans lequel sans ses principes et ses valeurs universelles, elle serait prise au piège. Ayant tenu le coup fatal du destin jusque-là, elle se refuse toute bassesse car il lui reste ce qui n'existe plus chez Wojeree et son entourage : la dignité humaine.
Toujours battante et femme de principes, elle sait être aux charges de sa famille et n'a de cesse de s'occuper de l'éducation de ses enfants. Les malheureux évènements n'ont rien changé en elle.
On peut dire qu'elle incarne ce que Christiane Singer dit de la femme: " sans le Féminin, toute société est vouée à l'échec", cela pour dire que tout repose dans les mains de cette figure du village de Yenn que rien ne peut plus ébranler.
Fatimata possède l'amour de sa communauté, l'amour de la justice, du vrai et sait que l'amour peut toujours espérer !
Dernière parution de la trilogie composée de l'Ami dont l'aventure n'est pas ambiguë et les Soleils de nos libertés, Une si longue parole achève ce long combat pour une Afrique qui renait et renoue avec son histoire : un continent meurtri par tant de maux. Cet ouvrage remarquable où Amadou Elimane Kane fait le constat de la dégradation de nos sociétés, avec comme marque de fabrique la corruption et la fausseté des hommes, leur hypocrisie et surtout l'irresponsabilité de nos despotes, comme il le dénonce à travers la voix de Fatimata :" comment voulez-vous que je me taise face à cela?"
Toujours dans la particularité de sa plume belle et rebelle, Amadou Elimane Kane sait manier la rhétorique pour mieux dénoncer avec humour le plus grand mal qui nous ronge en ces termes : "des professionnels de la duperie ou encore le docteur en mensonges"
L’auteur nous enchaîne au récit pour nous emmener aux plus belles pages. La poésie mais aussi une phrase des plus alarmantes, le message dédié à toute la jeunesse. Les vers du poète nous parlent !
Un rappel des faits que notre continent a longtemps vécu : la misère, la pauvreté, l'humiliation, l'esclavage, autant de maux qui nous laissent sans mot.
Permettez-moi de partager quelques extraits :
« Si je me tiens aujourd'hui devant vous,
C'est pour brasiller la cervelle
Des hommes vicieux
Des hommes pervers
Marchands de génocides
Aboyeurs de développements serviles
Les bouffeurs de la démocratie
Les falsificateurs de la liberté
Je fouillerai dans vos esprits
Pour parler à haute voix
De votre humanité vénale... »
« Souvenez-vous
Nous ne voulons plus de l'injustice
Nous combattrons
La falsification historique
Et l'aliénation
Nous ne voulons plus de l'ignorance
Plus de corruptions
Plus de détournements
Des deniers publics... »
En somme, c’est le refus d’une société en crise de valeurs, d'une société malade d'un malaise social créé par les hommes.
Ce livre est une invitation à la construction d'un édifice où toute la jeunesse puisera de véritables potentialités dans les ressources dont regorge notre Afrique Mère pour une transformation sociale et historique définitive.
Et plus encore, Amadou Elimane Kane nous invite à un retour aux sources matinales en revisitant l'Almammyat, fondé par Ceerno Sileymaan Baal (1776-1890), pour mieux comprendre la révolution torodo et l'histoire du Fuuta Toro, une région du nord de l'actuel Sénégal.
Une si longue parole est ainsi le trajet de notre mémoire, de notre destinée et des valeurs que nous devons porter.
Une Si Longue Parole, Amadou Elimane Kane, roman, éditions Lettres de Renaissances, 2015
Banouna SAM, étudiante et membre du département Jeunesse de l’Institut Culturel Panafricain et de recherche
La démarche littéraire consiste à raconter une histoire, à défendre des idées, à mettre en lumière des valeurs culturelles, dans le champ vaste de la création. La vocation d’un auteur est d’écrire pour comprendre, pour transmettre et pour éclairer les civilisations humaines. Dans toute œuvre, il y a aussi les intentions littéraires et artistiques qui visent à ravir l’esprit, à rendre beau ce que les êtres construisent, à rendre présent ce que sont les êtres.
Le conte, Les Jumelles de Bama de Coumba Touré, réussit cette alliance de partage littéraire, de beauté et de communion culturelle. À travers le conte, genre ô combien universel, l’auteur nous entraîne sur les chemins du Sahel avec une histoire singulière et émouvante.
Les jumelles, Baji et Sanji, apprennent que Bama n’est pas la mère qui leur a donné naissance mais celle qui les a recueillies dans le creux d’un baobab. Bouleversées les deux jeunes filles partent à la recherche de leur mère biologique. Sur la route qui les mène dans plusieurs villages dans la région de Ségou au Mali, Baji et Sanji suivent leur initiation à la recherche de leur identité et de l’origine de la vie.
Les Jumelles de Bama est un conte d’une grande douceur qui met en lumière la tradition culturelle africaine de la maternité. L’idée selon laquelle toutes les femmes sont mères des enfants qu’elles croisent, telle une image symbolique de cette unité civilisationnelle qui ne laisse personne orphelin et qui construit perpétuellement une ronde fraternelle.
Illustré de dessins au graphisme réaliste mais délivrant des images de lumière, d’intelligence et de vérité, le conte de Comba Touré nous emporte sur le terrain d’un imaginaire fécond qui célèbre la mémoire africaine. Originellement destinée aux enfants, cette histoire traverse toutes les générations par son éclat généreux, sa sensibilité et son évidence littéraire. La construction de notre patrimoine littéraire contient aussi l’univers des contes qui retracent nos histoires ancestrales, nos racines profondes. C’est à travers cette démarche que nous bâtissons la renaissance africaine faite de connaissance, de grandeur, de flamboiement et de concorde.
Amadou Elimane Kane, poète écrivain, enseignant chercheur et fondateur de l’Institut Culturel Panafricain et de recherche de Yene
Les jumelles de Bama, Falia éditions Enfance, collection Lire pour écrire, Dakar, 2007
En écrivant Les Soleils de nos libertés, à la suite de L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, le poète Amadou Elimane Kane a pris le parti pour un Plaidoyer pour sa terre natale, en y cultivant des valeurs universelles, pour l’avènement d’un Nouvel Humanisme, à travers la naissance d’un Nouvel Homme Africain.
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Les Soleils de nos libertés, Amadou Elimane Kane, roman, éditions Lettres de Renaissances, Paris, 2014
Que la conscience s’éveille – Que l’Afrique se bâtisse sur ses terres.
L’Afrique au-delà du miroir, Boubacar Boris Diop, éditions Philippe Rey, Paris, 2007
Hommes de lettres, de culture et Docteur en philosophie, Abdoulaye Elimane Kane possède une œuvre littéraire aux facettes plurielles. Intellectuel de renom et responsable politique dans le domaine de l’éducation et de la culture, il enrichit la pensée par ses écrits à travers le monde. Son œuvre romanesque est aussi riche, déployant un univers singulier, poétique et chargé des symboles de la culture africaine. Militant du savoir et de la création, Abdoulaye Elimane Kane est un acteur, au sens plein du terme, de la Renaissance Africaine.
La révolte des Maliens, un élément oublié de l'histoire
Les mutations de l'enseignement supérieur en Afrique : le cas de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Abdou Salam Sall, éditions l'Harmattan Sénégal, Dakar, 2012.
Abdou Salam Sall, professeur de chimie inorganique à l'UCAD, doyen de la faculté des sciences et techniques et recteur de l'UCAD durant sept ans, publie un ouvrage d'analyse sur les mutations de l'enseignement supérieur. Son témoignage et son expérience en font un ouvrage de référence.
Mener une politique de changement dans l’enseignement supérieur : l’UCAD à Dakar/ Sénégal[i]
Pôle universitaire central de l’Afrique de l’Ouest, l’UCAD a été créée en 1957 par le gouvernement français et s’appelait alors « l’Université de Dakar ». En 1986, à la mort du professeur Cheikh Anta Diop, elle devient l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Université destinée à l’ensemble des pays d’Afrique francophones, celle-ci était le reflet de l’enseignement supérieur français. Puis le désengagement progressif des enseignants français a permis de mettre en place un véritable programme d’africanisation des enseignements de l’UCAD. Pour autant, une véritable réforme de l’institution sera nécessaire pour faire vivre cette immense structure, une des plus grandes de l’Afrique de l’Ouest.
Plusieurs projets sont engagés dans les années 90 afin d’améliorer les parcours universitaires au sein de l’UCAD. La priorité était de mettre en adéquation les diplômes délivrés par l’UCAD (de BAC +2 à BAC +12) à la réussite d’une insertion professionnelle fiable au niveau national. L’autre point important était de réguler le flux, en progression constante, des étudiants, à la fois en terme d’encadrement pédagogique mais aussi en terme d’accueil et d’équipement des infrastructures. L’UCAD connait alors des perturbations fréquentes liées aux multiples dysfonctionnements, des grèves à répétition s’organisent par l’ensemble des acteurs de la faculté. Autre problématique, liée au fonctionnement héritée de la gestion française, est de développer le secteur de la recherche. Celui-ci, financé par l’Etat, a vu grandir son déficit budgétaire et les moyens alloués sont nettement insuffisants pour garantir des travaux de recherche conséquents et pertinents. A la fin des années 90, tandis que l’enseignement supérieur international prenait des mesures phares en faveur de l’évolution moderne du nouveau millénaire, l’UCAD piétinait avec des programmes de réformes confuses et une gestion des conflits de plus en plus difficiles à contenir.
En juillet 2003, Abdou Salam Sall est nommé recteur de l’UCAD. Spécialiste de l’enseignement supérieur, Abdou Salam Sall a été doyen de la Faculté des sciences et techniques et secrétaire général du Syndicat Autonome de l’enseignement supérieur du Sénégal (SAES). C’est donc en connaissance de cause et fort motivé qu’Abdou Salam Sall prend ses fonctions à la tête de l’UCAD. Il va mettre sur pied un chantier de réformes importantes pour un meilleur fonctionnement du pôle universitaire de Dakar. Fort de ses atouts d’universitaire précis et compétent, et entouré d’une équipe expérimentée, Abdou Salam Sall propose un plan de travail managérial de l’UCAD selon quatre axes : la Qualité, la Pertinence, la Coopération et les Finances et la Gestion. Pour compléter ce plan, il suggère également de développer les nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein de l’UCAD et d’offrir un service optimisé et performant aux étudiants. Le chantier ainsi posé, le travail peut commencer.
Améliorer la qualité de l’enseignement de l’UCAD se décline en plusieurs propositions : définir des programmes universitaires qui incluent du savoir, du savoir-faire, du savoir-être et du savoir-devenir en mettant l’accent sur la pédagogie universitaire. C’est aussi diversifier l’offre d’enseignement, à la fois en développant des cursus scientifiques et technologiques pointus mais aussi proposer des formations professionnalisantes pour permettre une meilleure intégration des diplômés dans le tissu économico-social du Sénégal. Pour compter sur la place de l’UCAD dans l’espace universitaire mondial, il s’agit également de mettre en place la réforme Licence-Master-Doctorat pour permettre aux étudiants d’avoir des équivalences à l’échelle internationale. Un chapitre est également proposé pour développer la formation continue des salariés, ce qui permet à ceux-ci de se former dans les meilleures conditions et par le même temps de renforcer les capacités financières de l’UCAD. Enfin, il est préconisé de consolider les conditions de travail des personnels et de maintenir les infrastructures en bon état de fonctionnement.
L’axe de la pertinence propose de développer la recherche universitaire. Celle-ci permet un meilleur rayonnement de la faculté, une amélioration des contenus et des enseignements scientifiques et engage une valorisation du travail des enseignants pour une promotion croissante. Elle propose encore d’accroitre ses partenariats (Etat, OIG, collectivités locales, ONG, organisations professionnelles, entreprises, etc.) et d’offrir un service d’expertise en matière d’enseignement. Cette perspective amène tout naturellement à l’axe de la coopération qui a pour objectif de travailler à renforcer les échanges Sud-Sud ainsi que toute alliance internationale. Celle-ci se fera notamment à travers la diffusion du site Internet de l’UCAD.
Le chapitre du financement et de la gestion des finances se décline en plusieurs branches : les finances d’Etat et les dépenses salariales doivent être réajustées. L’accent sera donc mis sur les recettes privées avec la rentabilité des infrastructures, le patrimoine immobilier, les collectivités locales, les entreprises, la vente d’expertise, la coopération internationale, la création d’une fondation de l’UCAD, les droits d’inscription, etc. Une mutation de gestion des dépenses est préconisée ainsi qu’un contrôle financier rigoureux des recettes et des charges.
Favoriser l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et encourager l’enseignement de l’informatique est une option phare de la réforme engagée par le nouveau recteur. En effet, l’UCAD doit mettre en œuvre cette formidable ouverture d’information et de développer des outils de recherche documentaire en proposant un dispositif fiable qui permette une communication performante, à la fois interne et externe. Enfin, un service d’accueil renforcé des étudiants est proposé afin de mettre en place des tutorats, de proposer des emplois, de créer des centres spécialisés et variés qui feront de l’université un pôle attractif de vie, de travail et de recherches.
Tous ces axes de travail seront minutieusement analysés et nécessiteront bien sûr l’ouverture de chantiers connexes dont le ressort systémique sera parfois un frein au changement.
Le processus de réformes engagé par Abdou Salam Sall et son équipe est à la hauteur des défis à relever pour l’enseignement supérieur du Sénégal au 21ème siècle. Mais comme le souligne son auteur, il faut être prêt à interroger en permanence ce processus et savoir à tout moment le remettre en cause. Remédier, comme en matière pédagogique, évaluer les écarts, avaliser ce qui fonctionne et ajourner ce qui conduit à l’échec. La vision d’Abdou Salam Sall a été la plus large possible afin de permettre une modernisation du système qui doit sans cesse être en capacité de changer. Observer l’enseignement supérieur dans sa globalité, analyser comment il s’organise à l’international et adapter un programme à une problématique sociale et nationale est possible si l’on considère les réalités et les intérêts du pays. Ce que qu’a réalisé Abdou Salam Sall.
Le savoir, la science, les technologies sont au cœur du monde moderne du 21ème siècle et l’Afrique doit contribuer à l’exploitation de ces ressources par ses recherches et par des services universitaires efficaces et être à la pointe des dynamiques mondiales. Le travail engagé par Abdou Salam Sall à l’UCAD depuis 2003 a prouvé qu’engager une mutation, même si elle se heurte à de nombreuses difficultés, est possible à partir du moment où chaque expert universitaire, responsable de son domaine, s’engage à améliorer les conditions d’enseignement, de professionnalisation, de recherches, de gestion financière et à bien administrer les infrastructures, à proposer des innovations en matière de partenariats et à développer les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Tous ces pôles majeurs pour un meilleur fonctionnement de l’UCAD ont été exploités et mis en œuvre.
Pour exemple, la mise en place de la réforme L-M-D a permis une véritable refonte de l’enseignement supérieur au Sénégal qui s’inscrit dans une démarche bilatérale et qui tient compte des intérêts régionaux, nationaux, continentaux et internationaux. Des cursus professionnalisants ont été mis en place, dans le secteur de l’agriculture et de la pêche par exemple, deux domaines oubliés avant 2003 alors que 70% de la population sénégalaise occupent ces deux secteurs professionnels.
L’UCAD a réussi aussi à transformer son image, son rayonnement se traduit par des inscriptions croissantes en Master Art et Culture par exemple. Le travail collaboratif des chercheurs est aussi un point central de la mutation de l’UCAD. Tout comme l’exercice de la pédagogie universitaire qui doit être maîtrisée par tous les enseignants. Les échanges internes et externes sont dès lors possibles quand les services de communication sont améliorés. L’accueil des étudiants en début de cycle est également un facteur de réussite des cursus. Il est capital de réussir toute rentrée universitaire, cela est déterminant pour le parcours des étudiants. Pour une qualité toujours améliorée, il faut assurer de façon permanente une évaluation de l’enseignement et de pouvoir ajuster, s’il le faut, des mesures qui permettent l’excellence. Les enseignants chercheurs doivent travailler dans l’urgence, sentiment favorable à l’amélioration des contenus, tout en consacrant du temps à leurs travaux. Le système d’accueil des étudiants, l’équipement des infrastructures, la sécurité du campus, les conditions de travail, le développement coopératif, la gestion financière des dépenses et des recettes et l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication sont des champs importants du travail engagé depuis 2003 à l’UCAD. Le chantier est toujours bien entendu en perpétuel évolution, il n’existe aucun consensus arrêté ou définitivement adopté dans le système de l’enseignement supérieur. Mais la réforme engagée par Abdou Salam Sall a ouvert et mis en œuvre les axes principaux d’un programme de valorisation, d’excellence, d’expertise du secteur de l’enseignement supérieur au Sénégal.
La coopération entre les universités, la mutualisation des connaissances, des ressources techniques et humaines, les échanges internationaux, la création d’entreprises, de fondations, d’infrastructures doivent être au cœur du processus de modernisation de l’enseignement supérieur du Sénégal.
« Le développement des connaissances favorise plus de richesses », voici une devise dont on devra faire sienne pour les décennies à venir. Tous les acteurs impliqués dans le développement de l’enseignement supérieur doivent en prendre la mesure. Le travail engagé par Abdou Salam Sall, à la tête de l’UCAD de 2003 à 2010, est un exemple de la conduite du changement qui démontre que l’innovation au sein du système universitaire est réalisable et qu’il conduit assurément à l’émergence d’une accroissance de l’expertise scientifique, pédagogique, scientifique et humaine.
Diriger un pôle universitaire tel que l’UCAD est une charge importante qui nécessite des qualités professionnelles exigeantes, d’être un gestionnaire rigoureux et de conserver une conviction résistante à toutes les épreuves. « Les universités des pays développés se sont construites dans la durée. Chaque génération se doit d’apporter sa contribution pour les générations à venir ». Le témoignage d’Abdou Salam Sall est éclairant et s’empare de la question universitaire sous tous les angles, sans rien omettre, du temps qu’il faut consacrer à la rénovation de l’UCAD et de l’urgence à la réaliser. Son livre est un ouvrage documentaire indispensable qui doit servir aux responsables de l’institution universitaire, aux étudiants, aux professeurs, aux intellectuels, et à tous ceux qui considèrent que le savoir est une arme miraculeuse du développement durable et de la modernité.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain, enseignant chercheur
[i] Les mutations de l’enseignement supérieur en Afrique : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Abdou Salam Sall, éditions l’Harmattan Sénégal, Dakar, 2012
Nomadisme et renaissance
La poésie est partage et incarne l’expression esthétique des symboles. C’est ce que nous confirme magnifiquement Amy Niang avec son tout premier recueil poétique. Cette poésie s’apparente à la vie, à la germination d’une plante, à sa flamboyante jeunesse mais aussi à sa lente décomposition. Car le regard d’Amy Niang est profondément poétique, je dirai même poétiquement lucide sur l’histoire qui se déroule à notre insu. Le parcours poétique d’Amy Niang est initiatique en même temps qu’il semble chargé d’usure. Car même si on se déplace, le monde continue de creuser ses rivières d’injustices et de bâtir ses murs d’incompréhension. Le nomadisme ici poétique est superbement enraciné dans les symboles africains qui viennent se heurter aux autres lumières. L’Afrique manquante n’est pourtant pas loin de l’Asie, toute terre est comme un précipice qu’il faut dompter.
Alors quand la course géographique ne suffit plus, il y a les mots qui prennent vie et les symboles qui se dessinent pour ne plus se défaire de la source poétique. Et le « lamento » s’installe doucement, pour effacer le masque des apparences, pour oublier le soleil noir qui déchire les souvenirs, pour transcender le lancinement de l’exil. Le recueil s’achève d’ailleurs sur un long poème déchirant qui confirme un regard déjà alourdi par tant de navigations éreintantes. C’est le désir du retour à l’enfance qui s’exprime, cette terre si proche mais qui s’éloigne déjà inexorablement.
Car s’exposer au monde, c’est aussi prendre le risque de trop bien en saisir les sombres contours. La fleur est ici en pleine floraison mais elle est tellement fragile qu’elle voudrait renaître pour retrouver la liberté de la candeur, la saveur de l’ignorance.
La poésie d’Amy Niang exprime, avec une belle frénésie, l’émotion des mondes nouveaux, ceux que l’on cherche avec l’impatience d’une jeunesse assoiffée. L’esthétique poétique est habilement orchestrée car on perçoit des rythmes variés qui parfois chantent la joie, qui parfois se lamentent, qui parfois se désolent des mondes disparus, celui de l’enfance, celui de l’innocence. Sur le chemin de l’initiation, à la fois celui de la poésie et celui de la vie, Amy Niang nous entraîne dans un univers personnel qui s’ouvre à nos pensées. La langue possède plusieurs couleurs, elle est souvent double, rongée d’espoir et de déception, et c’est cela qui nous touche. Le mondialisme d’Amy Niang est une vraie richesse poétique car il apporte dans son sillage un éclairage singulier du mythe africain et construit les flambeaux de la renaissance.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
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Pierre Thiam, un des plus talentueux chef cuisinier de sa génération, publie un très bel ouvrage de recettes de cuisine sénégalaises. La cuisine est une partie intégrante de la littérature et des arts, la cuisine est toute une poésie qu'il faut partager.
Yolélé ! Recipes from the heart of Senegal, Lake Isle Press, New-York, 2008, Pierre Thiam Catering
Saveurs multiculturelles
La cuisine est un acte de créativité. Faire la cuisine est un moment de générosité où le cuisinier donne de lui-même pour faire partager sa vision du monde. La cuisine est aussi un art, un art mêlant les aliments, les saveurs, les parfums, les couleurs, un savoir-faire culturel qu’il convient de construire, de déconstruire, de reconstruire pour offrir des aromes uniques. C’est ce que nous transmet Pierre Thiam dans son très beau livre illustré Yolélé !
La cuisine est sa passion, son métier et il y déploie tous ses talents artistiques, en y associant de minutieuses recherches pour l’élaboration des plats, leur cuisson et réaliser ainsi des associations culinaires insolites. Le parcours de Pierre Thiam est étonnant. Issu d’une famille originaire de la Casamance, élevé dans la double culture chrétienne et musulmane, il retrace son périple à travers l’art de la cuisine pour retrouver ses racines qu’il transcende au contact des mondes qui l’habitent. Ayant grandi dans un univers multiculturel, Pierre Thiam est un voyageur insatiable du temple gastronomique.
C’est exilé en terre américaine qu’il découvre son amour pour la cuisine dont il veut faire son métier. Profession pour le moins inhabituelle pour un homme dans la culture africaine. C’est aussi ce qui fait sa force, son talent, c’est sa curiosité, son audace à franchir des barrières déjà tracées. Il est aujourd’hui un chef de grande renommée à New York qui travaille en cherchant des alliances subtiles entre cuisine créole, cuisine sénégalaise et street food. Son label, Pierre Thiam Catering, propose d’ailleurs une démarche innovante dans le domaine culinaire international.
Ce livre de recettes, inspirées de la cuisine sénégalaise, vietnamienne, française et américaine, est un bel hommage à la culture panafricaine qui pour l’occasion se singularise par ses bouquets variés, ses ingrédients multiples, ses effluves enivrantes qui savent voyager. On retrouve ici le goût du beau, le désir savant d’une cuisine simple faite de fraîcheur et en même temps très élaborée. La culture sénégalaise hante les pages de ce bel ouvrage en même temps qu’elle s’envole au-delà des frontières gastronomiques. Assurément Pierre Thiam est un artiste qui célèbre le culte de la beauté à travers la charge symbolique du repas partagé assaisonné d’épices fines et culturelles. Aidé du photographe Adam Bartos, il offre des plats savoureux aux lecteurs et rend aussi hommage aux femmes de sa famille, initiatrices de son génie culinaire. Vous devez lire ce livre aux courbes généreuses qui propose un voyage multiculinaire et original. Et surtout profitez-en pour vous mettre aux fourneaux !
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain, enseignant chercheur en sciences cognitives à Paris
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Douceurs du bercail, Aminata Sow Fall, Nouvelles Editions Ivoiriennes, Abidjan, 1998
la volonté et l’espoir
La problématique du roman de Aminata Sow Fall pourrait a priori s’expliquer simplement. Pourtant il n’en est rien. Les paradigmes qui structurent le récit sont complexes et jamais unilatéraux.
Asta, une femme sénégalaise, la quarantaine diplômée et autonome, est victime d’une injustice alors qu’elle se rend en Europe pour une conférence sur l’Ordre Economique Mondial. A travers le récit d’Asta, arrêtée par la police des frontières et transférée au « dépôt » pour être reconduite chez elle, on assiste aux interrogations du peuple africain sur les sujets majeurs qui agitent le continent noir : la mésestime de soi, l’immigration comme seule chance de survie, chargée d’illusions d’un Eldorado impossible, la corruption des dirigeants africains et l’immobilisme qui en résulte, l’incompréhension et le mépris des autorités des pays occidentaux, la dépendances des Etats africains liée aux aides internationales, au pouvoir dévastateur du Fond Monétaire International, l’inégalité monétaire, politique, économique, sociale, la dureté des conditions de l’immigration, le passé colonial qui hante les esprits et produit les pires injustices.
A travers ces questionnements, Aminata Sow Fall ne donne aucune leçon de moral mais elle propose la voie intellectuelle, celle de l’écriture, la voie humaine, l’élan de dignité nécessaire à la construction, une voix de la renaissance africaine. La construction littéraire de l’auteur est particulièrement intéressante car les personnages prisonniers du « dépôt » sont les témoins du chaos migratoire et racontent « l’enfer » de la déshumanisation. Le récit est haletant, comme une tragédie antique, au plus près des réalités contemporaines et utilisant un langage poétique qui émerge quand renaît l’espoir. A l’extérieur du cachot, Anne, une amie française de Asta, se bat pour démêler l’imbroglio teinté de racisme primaire et l’injustice faite à sa « camarade ». Militante et convaincue de l’innocence de Asta, elle se heurte à la rigidité administrative, aux mensonges des diplomates, aux fausses promesses. Pendant ce temps, le drame continue de se jouer dans l’enceinte du « dépôt ».
Anne aussi rêve d’un monde meilleur pour former une ronde humaine et solidaire. C’est ce désir très fort qui unit les deux femmes si différentes et si semblables à la fois. C’est dans cette tentative d’harmonie féminine, de combat et de partage que prend toute sa dimension le récit de l’auteur. Car Aminata Sow Fall est une médiatrice qui, par sa belle plume, fait passer une autre image de l’Afrique, celle des traditions, de l’intelligence, de la dignité, de la beauté, de l’énergie à combattre les injustices.
Dans l’épilogue du récit où Asta retrouve enfin la liberté, la blessure est vive mais elle n’est pas brisée. Et comme cadeau, elle reçoit une terre africaine qu’elle va aménagée, cultivée pour la postérité. C’est le retour à la terre des ancêtres, loin de la cruauté de la ville, loin de l’illusion destructrice des côtes européennes. Les Douceurs du bercail sont les richesses qui émergent de la terre de l’Afrique si l’on se bat, si l’on y croit, si le rêve est intact et que l’on transforme le savoir en abondance et que l’expérience devient sagesse.
Le roman de Aminata Sow Fall est l’expression de la force, de la confiance sereine, de la beauté, de la vérité, de la lumière de l’Afrique, éléments essentiels de la Renaissance Africaine et de la conscience historique du peuple africain.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
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Le chapelet de rêve, Habib Demba Fall, éditions Acoria, Paris, 2007
Le chapelet de rêves ? Des paroles d’espoir tissées, de mélopées sacrées enfilées, que le poète Habib Demba Fall égrène une à une dans ce beau recueil. Au fur et à mesure qu’on lit les poèmes qui composent ce recueil bien écrit, on partage les doutes et les interrogations de l’auteur dont le cheminement poétique est plus que prometteur. Au-delà des belles images et du message délivré, la singularité de l’écriture de Habib Demba Fall tient dans la structure originale du recueil et du rythme des textes qui se répondent en écho. L’autre grande qualité est que l’ensemble n’est pas refermé sur lui-même, au contraire il ouvre les portes d’un univers poétique à la fois singulier et universel. La parole du poète se fait entendre et il s’engage dans un vrai dialogue avec le monde qui l’entoure et du coup il parvient à une connivence sensible et intelligente avec le lecteur.
Le Chapelet de rêves est un recueil abouti où l’on admire le travail de créativité poétique. Habib Demba Fall a une personnalité « vraie » mais sa sincérité n’entame pas son exigence de la grande poésie. Il émeut avec des images fortes, des images de souffrance qu’il combat. Mais il avoue ses faiblesses, des doutes, sa solitude et c’est ce qui fait la beauté de la quête de l’homme, donc du poète.
Par le truchement d’un soliloque savamment orchestré, le dialogue n’est pas achevé, il peut se poursuivre à travers d’autres textes à venir. La force du recueil vient aussi de la construction : des préambules magnifiques qui annoncent les textes mais avec d’autres mots et sous une forme surprenante. Puis les quatre parties qui guident le lecteur tout au long du parcours initiatique du poète. Et les textes qui achèvent chaque partie qui sont comme des respirations oniriques. Enfin, il y a la langue, soigneusement travaillée, rythmée par une belle poétique. Les textes ressemblent à des mélopées sacrées, des cris qui réveillent la conscience de tous.
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Mangrovines, Poésie, Racine Senghor, éditions Sagnanème, Dakar, 2011
Les textes qui composent ce recueil portent en eux une respiration féconde qui enrichit la poésie négro-africaine. L’empreinte poétique réunissant le sens esthétique de la langue et l’émotion est parfaitement maîtrisée par Racine Senghor. L’ode à la terre est ici transcendée, portée par des images d’amour singulières et par une fantastique exaltation sensuelle.
La communion poétique du recueil est cette force avec laquelle l’artiste peut dire ce que chacun voit, ce que chacun entend. Le poète Racine Senghor est le passeur de nos rêves, de nos questionnements, de nos colères, de nos splendeurs vivantes qui rythment notre regard. Mangrovines bat à la cadence d’un cœur poétique langoureux et savant qui dénote un tempérament d’une totale générosité littéraire. La recherche métaphorique est en harmonie avec les intentions textuelles, avec le son de la langue qui résonne de couleurs, de bruissements et d’une atmosphère baignée de lumières perlées d’un lyrisme féérique et élégant. Le grand talent de Racine Senghor est de pouvoir transformer le lecteur en celui qui compose. La liberté de sa poésie réside en cette incroyable vision, précise, belle et immédiate, qui fait de ses textes des champs poétiques pluriels qui ondulent au tempo de sa voix délicate, initiatique et lumineuse.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
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Le chant des blessures, Pulcherie Abeme Nkoghe, éditions Acoria, Paris, 2008
D’une belle simplicité, la poésie de Pulchérie ABEME NKOGHE interroge la nature humaine avec force et innocence. C’est cette alchimie du verbe et des symboles qui traverse le recueil de la poétesse gabonaise. A travers son langage singulier, elle parvient à imposer son univers qui questionne le monde sans brutalité. Elle est aussi à l’aise avec les images de l’enfance qu’avec celles de la conscience du monde noir ou celles de la complexité des êtres ou encore celles de l’amour. Elle porte un regard sur les injustices, la souffrance, la colère, sur ceux et celles qui croient posséder la vérité avec l’étendue de son absurdité, sur les discriminations à l’égard du peuple noir. Au-delà de cela, elle nous entraîne, de manière séduisante, vers la culture africaine, ses racines qui sont les siennes, son attachement aux autres, hommage aux proches, aux amies, aux mères, à l’amour qui équilibre et rend meilleur.
Pulchérie ABEME NKOGHE dénonce les puissances financières mensongères qui méprisent les valeurs humanistes, seules sources de la construction humaine. Elle sait aussi porter un regard sur elle-même en mettant à l’épreuve sa propre conscience, ses propres faiblesses. Elle dit aussi les ravages de l’homme sur la nature et la défense que celle-ci peut produire sans prévenir. En cela, son message est clair : les éléments de la terre sont puissants, parfois incontrôlables mais ils sont également source d’espoir, de rêves et de liberté.
L’atelier de création de la poétesse se forme et permet l’inspiration autour de thèmes existentiels, autrement dit universels et intemporels. L’écriture est spontanée, généreuse et n’est pas travestie de faux sentiments. Nous assistons à la naissance d’une jeune poétesse et en cela nous devons l’encourager à persister dans cette authentique et douce ténacité. Quand Pulchérie ABEME NKOGHE chante la négritude, il nous vient à l’esprit que la couleur ébène est belle, symbole de force et de dignité. Elle construit cette conscience identitaire qui permet à l’être d’exister pleinement dans son appartenance originelle. Il faut lire le recueil de Pulchérie ABEME NKOGHE comme une bouffée d’air pur, tel un « chant des blessures » qui dit mais ne renonce pas. La créativité est une ronde arc-en-ciel qui réunit les êtres, la poésie de Pulchérie ABEME NKOGHE est un des maillons de l’union poétique et humaine.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Les travaux d’Ariane suivi de Destins et de Quelque part en ce monde, Caya MAKHÉLÉ, théâtre, éditions Asphalte, Paris, 2006
Scènes de folies quotidiennes
La tragédie humaine souffle sur le théâtre de Caya Makhélé et le dramaturge nous offre une perspective à la fois contemporaine et éternelle de la folie des hommes. Ces courtes histoires lacérées au couteau s’inscrivent dans une littérature énigmatique et implacable cherchant en vain la lumière. Les personnages sont tour à tour victimes, coupables, témoins de la bêtise meurtrière qui saisit l’être adulte et anéantit l’innocence qui berce l’enfance, même la plus malheureuse. La mise en scène est crue, éclairée de désespoir mais c’est cette densité néo-réaliste qui frappe le lecteur. La langue se libère des carcans hypocrites et révèle la puissance des mots d’une authenticité féroce.
Les travaux d’Ariane présente un monologue poétique et cruel d’une femme brisée par la mort de son enfant, tué par la main du père, un homme destructeur et avide du pouvoir qu’il exerce. Les lumières s’attardent sur l’ambivalence d’un monde moderne, la nostalgie de l’enfance, des valeurs oubliées et des gestes tendres maternels uniques et rares. La solitude du monologue fait aussi surgir le terrible constat de la cellule familiale rompue. Pour continuer de vivre, Ariane se fait mante religieuse et assassine l’homme par sa féminité la plus intime avec au ventre la « peur de la mort de l’amour ».
Dans Destins, un boxeur atteint d’une tumeur au cerveau voit défiler ses souvenirs. La mémoire est incarnée par une femme qui fait émerger la conscience de l’homme. Finalement, celui-ci pourrait être mort, ressuscitant ainsi des ténèbres pour reconnaître ses fautes et ses faiblesses. C’est un tableau métaphorique de l’oubli décrivant le coma d’un homme qui se refuse à regarder la vérité en face. L’écriture de Caya Makhélé fait entendre un blues amer, fait d’images mythiques détruites mais toujours vivantes au plus secret des êtres. Les personnages s’accrochent au meilleur d’eux-mêmes, aidés de leur vision d’un monde qui les a trahi mais qu’ils veulent reconquérir. Emprisonnés par l’argent, l’alcool, le pouvoir, ils cherchent les soleils essentiels comme des pantins fatigués. Des obstacles les font trébucher telles des épreuves symboliques pour atteindre la liberté ou la mort.
Quelque part en ce monde met en scène quatre acteurs d’une tragédie qui place chacun prêt à « affronter ses fantômes ». Une guerre, des massacres, un charnier, des morts et des vivants qui s’affrontent pour faire surgir l’horreur de la vérité. Lâcheté, ignominie, traîtrise sont au cœur de ce jeu irréel et inhumain. Des scènes rouges de sang entre les coupables et les victimes qui forment des couples improbables. Les dialogues de Caya Makhélé sont hantés de mélopées tristes d’hommes et de femmes fracassés mais ils dévoilent leur dimension charnelle en les initiant à la douleur, aux cauchemars de l’amour, à la trahison et à la mise à mort de leurs âmes. Leur conscience les oblige à assumer leur responsabilité à travers le prisme insurmontable du cycle de l’existence et de la destruction. Ces êtres de chair et de sang sont l’incarnation d’une faiblesse mortelle mais aussi l’espoir d’une renaissance nouvelle. Il n’y a pas de repos sans condamnation des vrais coupables, que l’on soit bourreau ou complice. À travers ces histoires, l’œuvre théâtrale devient intemporelle, suspendue en chacun de nous car terriblement humaine.
Amadou Elimane Kane, poète-écrivain
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Le Prophète ou le cœur aux mains de pain, poème-chant, Amadou Lamine Sall, éditions Feu de brousse, Dakar, 2005.
Ode humaine et spirituelle
C’est sous la forme d’une incarnation humaine que le poète a choisi de chanter le prophète ou joliment titré « le cœur aux mains de pain ». Paroles d’espérance, de foi qui revient à dire que l’homme doit s’aider de la pensée sacrée pour vivre pleinement. Magie de l’invisible, présence inexpliquée de celui qui rend grâce à la générosité humaine.
Impossible « création » artistique car l’écriture, dit le poète, reste insuffisante pour partager sur terre la force de Dieu. Icônes déformées, prophéties décalées, l’artiste proclame un regard dépassant le chaos, abolissant l’orgueil des fidèles et le fanatisme archaïque. Privilégiant la « Totale Connaissance » des sourates, inépuisable source de savoirs légendaires, archives de l’histoire de l’humanité incarnée dans Ses paroles éternelles. La quête du poète est un appel à Dieu pour ramener les hommes vers de plus sages vertus teintées de chair, de désir et de l’amour pur et secret.
Poème-chant de l’homme qui s’interroge sur la transcendance des mots pour parvenir à la réunification de l’être et de l’esprit. Sage parenthèse ou préférences plurielles, le questionnement n’apporte que des réponses éphémères que le poète rend universelles. Ode à la vie et au partage sans calcul, telle semble être la profession de foi de Amadou Lamine Sall. Bien que condamné à l’impossible transmission, par son art de la langue, le poète nous fait partager sa ferveur personnelle dans nous enrôler ou nous abjurer. Défi poétique et sacré qui touche le cœur de l’esthétique et la fibre artistique.
Amadou Elimane Kane, poète écrivain
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L’écho des jours, Hamidou Dia, éditions Panafrika / Silex / Nouvelles du Sud, Dakar, 2006
L’écho des jours d’Hamidou Dia est un recueil ciselé, réunissant les paroles essentielles, celles de la mémoire, de la communion et de l’amour de l’Afrique, la terre d’enfance. Le poète se souvient et à travers ses réminiscences il trace le passé, le présent et l’avenir commun à tous les hommes. C’est une poésie de la mémoire, des racines fertiles, de la rencontre de deux langues, des particularités culturelles et des richesses humaines, comme le précise l’écrivain Cheikh Hamidou Kane dans sa préface. Le premier texte du recueil, dédié à Aimé Césaire, est le lien puissant, poétique qui relie la terre d’Afrique aux déportés des caraïbes. À travers le souffle d’Hamidou Dia, le continent premier reconnaît ses enfants esclavagisés. Long chant lancinant des souffrances endurées par le peuple noir et prière transatlantique dans l’espoir d’une unité retrouvée. Puis la mélodie du retour au pays natal commence.
C’est la poésie de l’enfance, de l’héritage culturel, du patrimoine historique, de la terre natale le Fouta, de ses rites et de ses croyances. Belle terre de lumière et d’images fécondes, sources d’inspiration du poète.
Le poète chante la sœur chérie, le double amoureux, le mystère féminin :
Belle magie du passé qui se réveille, illuminée de la puissance terrestre naturelle et des ancêtres.
Souvenance du Fouta, région de l’enfance où la vie fourmille.
L’Écho des jours d’Hamidou Dia est une longue déclaration, un hymne à l’amour, à la tolérance, à la sagesse retrouvée, un cri lancé pour que s’accomplisse la Renaissance africaine.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
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Faubourienne, Abdoulaye Fodé Ndione, Les nouvelles éditions Africaines du Sénégal, Dakar, 2005
Le recueil de Abdoulaye Fodé Ndione sonne comme un bel hymne à l’amour et à la beauté. Les mots du poète sont stylisés et symbolisent l’espoir à travers cette déclaration poétique et amoureuse.
Le souffle esthétique de la langue est puissant et le rythme imposé sans respiration fait la force du texte. Mais cet aveu amoureux va au-delà du cercle intime, l’auteur cherche l’union humaine au sens universel.
La force poétique provient de cette lente ascension qui débute comme une ode à l’amour, à la femme et qui s’achève sur une note plus vaste, celle d’un monde pacifié qui est le symbole de l’espérance et de la liberté.
Ici, les mots de Abdoulaye Fodé Ndione trouvent leur existence dans l’exercice d’une poétique transcendée doublée d’un esthétisme maîtrisé.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
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Œuvres poétiques complètes, tome II - Fragrances, Nouréini Tidjani-Serpos, éditions Acoria, Paris, 2006
L’expérience poétique deNouréini Tidjani-Serpos est un long fleuve littéraire dont le lecteur se sent le complice. Nouréini Tidjani-Serpos est un homme libre et il le fait savoir. Il ose toutes les formes entre prose et poésie, il contorsionne la langue et nous délivre des messages personnels et universels d’une grande puissance. Il n’y a pas de place pour le masque superficiel de l’écriture, Nouréini Tidjani-Serpos écrit avec les matériaux de la vie, les exposant au plus grand nombre et formant ainsi des évidences mais aussi des questionnements. Nouréini Tidjani-Serpos n’est pas un enfant sage, il est un poète rebelle qui dérange la forme et refuse le conformisme.
La poésie de Nouréini Tidjani-Serpos se lit comme des éclats fulgurants mais également dans la douceur de la chronique philosophique.
« Il faut qu’une culture ait un visage. Je ferme les yeux, je suis masque. (…) Et le tam-tam fait l’amour au balafon. Et si, en réalité, une culture c’était aussi une façon de produire et d’entrer en relation avec les autres. »
Le poète s’amuse des évidences de l’un pour enrichir son imaginaire, celui-ci n’est pas figé car le monde possède des résonances multiples.
Tout comme le poète n’hésite pas à combattre avec les mots, il s’engage sans détour dans la voie de ce qui est injuste, ses textes ont des humeurs, des couleurs de colère.
« Nous autres, nous en avons assez des élucubrations sans lendemain. Ce que nous voulons ? Réinventer le ciel. Ce que nous exigeons ? La fin de la mascarade culturelle. En langage des sciences politiques africaines cela s’appelle de la subversion. »
La parole bouscule avec une incroyable force. C’est que Nouréini Tidjani-Serpos ne se laisse jamais prendre à son propre piège poétique, il ne contemple pas son miroir, assouvi de sa belle créativité. Il construit et déconstruit comme tous les grands poètes.
Le poète s’amuse aussi parfois et le regard qu’il porte sur le monde qui l’entoure est une intelligence moqueuse qui pétille.
Dans L’ancêtre a dit (I) et (II), le poète raconte comment enfant il posait des questions à son grand-père. Celui-ci ne répond pas, il démontre comme un chercheur scientifique qui a appris à cohabiter avec la nature. Texte magnifique où en si peu de mots, tout est dit.
« Nous sommes rentrés chez nous, après une semaine d’observation. Vous avez compris ? Après cette leçon de choses qui m’a fait gagner une semaine de cours. Je n’ai plus posé de questions idiotes à mon grand-père. »
Puis l’émotion gagne de nouveau les pages du recueil, la poésie de Tijani-Serpos est ainsi, surprenante, sans schéma rigide, elle est liberté de ton et émerveillement. Le poète guide de ses mots mais le lecteur est compositeur de sa propre musique intérieure.
« Chez moi, les « oranges » ne sont pas oranges et je ne le savais pas. Chez moi, les « oranges » mûres sont vertes ou jaunes et je ne m’en étais pas rendu compte. Allez donc expliquer la couleur orange en donnant à un enfant une « orange » qui ne serait pas mûre parce que Verte. Allez donc expliquer la couleur orange en donnant à un enfant une « orange » verte ou jaune. Ce rébus vous apprendra à utiliser la langue des autres pour exprimer vos réalités tropicales. »
Et voilà la poésie de Nouréini Tidjani-Serpos, tout paraît simple et pourtant tout est chamboulé. Cependant, l’auteur se garde bien d’expliquer, de rationaliser car comme il le dit de belle manière et tout naturellement dans « Le Non-dit poétique » :
Nouréini Tidjani-Serpos est de la veine des « grands » dont il partage le talent, l’émotion, la sensibilité humaine, l’intelligence, la proximité avec le lecteur. Il est de la race des seigneurs, tels Aimé Césaire, Marcel Proust, Birago Diop, Antonio Lobo Antunès, Pablo Néruda. En lisant l’œuvre de Nouréini Tidjani-Serpos, vous êtes transportés, transformés, vous vous êtes re-découverts. La poésie de Nouréini Tidjani-Serpos devient patrimoine universel, elle est incontournable.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain
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Les ombres de la nuit, Paul Dakeyo, éditions Nouvelles du Sud
poésie de l’éternel
Paul Dakeyo a choisi de s’asseoir, d’ouvrir sa fenêtre sur le temps et sur l’espace. Il nous invite à un voyage toujours engagé mais certainement moins escarpé. Ce sont les saisons qui rythment la parole du poète :
Il s’assoit donc et prend le temps de regarder en arrière : la douceur de l’enfance, la terre natale toujours martyrisée, le peuple noir enchaîné, la femme disparue, les enfants qui rappellent à la vie. La vie rêvée de la terre perdue au-delà de l’océan et celle qui s’est construite, de force, sur la terre d’adoption où les racines se sont entremêlées à l’identité ancestrale, aux souvenirs indicibles qui déchirent. Ce témoignage de questionnement existentiel parle à chacun d’entre nous :
« Seule la mort sera un exil »
Cette étape qui réunit les hommes où qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, quelque soit leur vie, leurs souffrances. Mais le poète n’oublie pas les chaînes, les prisons de la terre mère Afrique. Elles ne sont pas juste des symboles, celles plus métaphoriques de l’exil, mais encore dévolues à tous les combats. Paul Dakeyo nous entraîne dans sa quête de la mémoire, sur les traces poétiques de l’enfance mystérieuse, magnifiée par l’alliance grandiose de l’éloignement spatial et temporel. C’est ce même sentiment qui se mêle à la nostalgie de la terre géographique abandonnée par le départ qui dure, qui dure.
Puis avec les mots de l’amour blessé, il invite l’autre dans son antre, complice, pour comprendre, pour ne pas être seul :
La force de la poésie de Paul Dakeyo, c’est qu’elle est à la fois universelle et singulière. Il est un enfant africain, un poète engagé exilé, un homme qui souffre de l’amour enfui, qui guette la marche du temps incompressible, la mort et la solitude rôdent :
Déclaration d’amour à la femme, à la terre éloignée, tout cela ne fait qu’un. La disparition si justement évoquée par Georges Perec : la lettre E, la mort, la famille déportée, le génocide juif. Paul Dakeyo est proche de cette famille d’écrivains, il transcende l’infiniment petit à la grandeur de l’histoire du monde. Les saisons défilent et seul dans la maison déserte, le poète parle à l’être aimé, à la femme absente :
Puis soudain, comme on sort de la nuit, le poète a retrouvé le temps :
Les ombres de la nuit est un long poème d’amour d’une facture littéraire poignante, lancinante, sensuelle. Le poète ne cesse de déclamer son amour intact, ses errances solitaires. Malgré l’enveloppe poétique, le temps de nouveau s’est perdu :
Puis au fil du poème, Paul Dakeyo retrouve ses racines, « Bafoussam est ma ville », le chagrin de l’amour s’estompe pour laisser place aux « grandes mains fraternelles » de la terre exilée, il scande à l’envie :
Et le retour vers la terre natale peut commencer. L’amour enfui est partout, dans le ciel à l’infini, masque de la mémoire. Une fois la géographie africaine retrouvée, il souffre de l’exil de la femme disparue mais le poète a retrouvé la vérité. Puis, un nouveau visage se dessine, nouveau temps, nouvel espace, nouvelle géographie féminine et nourricière. Avec elle renaît l’espoir, l’homme se relève et tel un immortel, il déclare :
Les Ombres de la nuit n’est pas seulement un « chant-poème », c’est un grand livre qui rejoint la bibliothèque de Babel.
Amadou Elimane Kane, Poète écrivain